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Et si on faisait un projet de naissance ?

Depuis quelques années, on entend de plus en plus parler du projet de naissance, et c'est bien ! Mais quels sont réellement les objectifs de cette démarche ?


Pour rappel, le « projet de naissance » est un document écrit destiné à faire connaître à l'équipe médicale de la maternité les souhaits et attentes des parents pour la naissance de leur enfant. Ça a l'air facile comme ça, en mode « liste de Noël » : « Chère sage-femme, je voudrais un accouchement rapide (mais pas trop), sans douleur, sans péri, sans épisio, et un bébé qui tète bien et reprend son poids de naissance en 2 jours. A bientôt ! » Mais en vrai, c'est un peu plus compliqué. La sage-femme n'a pas de traîneau magique, et le projet de naissance n'a pas seulement pour objectif d'informer l'équipe médicale des demandes des parents.

En premier lieu, il s'écrit pour soi. Il permet d'affiner ce que l'on souhaite pour la naissance de son enfant, ce que que l'on ne souhaite pas, et pourquoi. Dans le pourquoi se cachent beaucoup d'éléments, éléments qui devront parfois être discutés ou même débattus dans le couple. C'est la femme qui accouche, mais le soutien de son compagnon lui sera précieux. Si elle souhaite par exemple donner naissance sans péridurale, il est important que son compagnon puisse entendre et comprendre pourquoi. Il sera souvent présent à la naissance, et soutenir une femme qui accouche sans péri n'implique pas le même positionnement que lui tenir la main en suivant avec elle les événements sur l'écran du monito. Il a lui aussi besoin de participer à la construction du projet et de se familiariser avec les besoins et envies de sa compagne. Cette étape, qui paraît toute simple, peut en réalité prendre un certain temps. Il ne s'agit pas de copier-coller des listes de demandes « pour un accouchement parfait » trouvées sur le net, mais d'élaborer un projet qui nous ressemble.


Une fois nos demandes rassemblées et ordonnées, comment faire en sorte qu'elles soient aussi bien accueillies que possible par l'équipe médicale ? Nous voilà à l'étape de la rédaction du projet de naissance. Il est indispensable de tenir compte, à ce moment-là, des protocoles et habitudes de la maternité choisie, car c'est seulement à partir de ces protocoles que le projet de naissance pourra se construire. Si la maternité ne dispose pas de baignoires dans les salles de travail, on ne demande pas à faire le travail dans la baignoire... On peut par contre réfléchir aux autres alternatives qui s'offrent à nous dans cette structure-là. Si il y n'y a pas de monito ambulatoire, inutile de demander le monito ambulatoire... On peut plutôt envisager la possibilité d'un monito en discontinu. Et si on sait que 2h de peau-à-peau sont systématiquement proposées après la naissance, ce besoin peut être cité, mais plutôt en valorisant les pratiques existantes. Mais comment connaître, avant d'avoir accouché, les habitudes et protocoles de la maternité ? Pas si difficile que ça ! Il est possible d'aller à la pêche aux infos auprès des amies, des amies d'amies, sur le net (groupes facebook locaux), via des assos de soutien à la parentalité, ou bien sûr, auprès d'une doula, qui connait souvent bien les différentes structures de la région. Travail, expulsion, délivrance, première mise au sein... Jusqu'où aller dans l'anticipation ? Certains incluent dans leur projet de naissance les premiers jours de leur bébé : sortie précoce ou non, bain dès le premier jour ou non, etc. En théorie, tout ce qui est important pour le couple peut être noté. En pratique, un projet de naissance trop long peut être moins bien accueilli, ou des éléments importants de « l'avant naissance » peuvent se retrouver noyés si trop d'informations sont données. Dans l'idéal, le document écrit sera court, un recto, ou, éventuellement, un recto-verso pour privilégier une mise en page plus aérée. Il est possible donc de s'en tenir sur le projet de naissance aux choses pour lesquelles on n'aura pas l'énergie de parlementer. Quand on accouche, on espère être dans le lâcher-prise, on a besoin d'être dans le lâcher-prise : cela fait partie du processus. Quand bébé est là, a fortiori après le retour en chambre, on a souvent plus d'énergie pour négocier ce que l'on souhaite, même sans l'appui d'un document validé en amont. Enfin, concernant la forme, mieux vaut ne pas donner l'impression aux professionnels de santé que l'on « sait mieux qu'eux comment faire le job » : c'est un sentiment qui ne fait plaisir à personne... Dans l'objectif d'une collaboration sereine, reconnaissons plutôt les compétences... Une doula peut bien sûr vous aider à clarifier et à formuler vos besoins. En ce qui me concerne, j'interviens régulièrement auprès des couples lors de cette étape d'élaboration du projet, même hors contexte d'accompagnement.

Une fois cette phase terminée, c'est le moment de présenter notre joli document à la maternité ! Voilà le deuxième objectif du projet de naissance : vérifier que la maternité choisie correspond bien à notre vision de la naissance... La présentation du projet se fera parfois lors d'une visite de routine avec une sage-femme de la maternité, parfois lors d'un rendez-vous spécifique avec la sage-femme-cadre du service. Alors, on y met les formes, hein. On balance pas le doc sur la table comme ça. On est là pour échanger et exposer nos besoins dans un climat de confiance. Cela peut être également l'occasion d'aborder des éléments jugés plus « secondaires » qui avaient été laissés de côté pour ne pas surcharger le document écrit. On y met les formes, mais on se laisse pas non plus infantiliser par un soignant qui rature en rouge notre « copie » en nous hurlant dessus qu'ici, ça ne se fait pas (oh, ça ne s'invente pas, un truc pareil, certaines l'ont vécu...). Le choix du lieu de naissance est un droit. Un (très) mauvais accueil de votre projet de naissance, si vous avez pris la peine de peser chaque mot, d'utiliser des formulations positives, de présenter tout cela de façon non-jugeante envers les pratiques de la structure... signifie sûrement que cette maternité n'est pas faite pour vous. Qu'un ou deux points secondaires vous soient refusés avec argumentaire solide à l'appui (en tenant compte des contraintes de la structure ou de votre dossier médical) est une chose. Que des points essentiels à vos yeux soient refusés en bloc sans explication valable en est une autre. Vous avez le droit de changer de maternité. A n'importe quel moment, vous en avez le droit. Certaines femmes changent leurs plans à plus de 37 SA (je pense à une, en particulier, à qui on avait raturé sa copie – pardon son projet de naissance – en rouge, et qui a eu l'accouchement de ses rêves, ailleurs). Ce n'est pas facile, ce n'est pas toujours confortable, mais c'est une porte qui peut être ouverte si besoin. Gardons-le à l'esprit.


Après ce parcours, le projet de naissance pourra (enfin) être glissé dans notre dossier médical (youpi !), où il assurera sa dernière fonction : permettre aux soignants qui nous accueilleront le jour J (ou la nuit N) de comprendre rapidement nos attentes. Grâce à lui, l'équipe médicale sera informée de vos demandes, et informée de leur validation en amont – point important. Parfois, il n'y a réellement plus rien à faire lors de cette étape (enfin... donner naissance à son enfant, quand même – excusez-moi du peu !) : tout roule, rien n'est remis en question, la sage-femme présente est un appui précieux, c'est merveilleux. Mais, malheureusement, la validation d'un projet de naissance n'est pas la garantie de quoi que ce soit, et dans certains cas, il va falloir rester vigilant. Vigilant, dans un moment pareil, mais comment ? Souvent, quand les ciseaux sortent, la mère ne voit rien – du moins, pas assez tôt – et le père, tout à son angoisse – est-ce que mon bébé va finir par naître ou pas ? – a un temps de réaction infiniment trop lent. Il ne sait pas, il ne sait plus, il s'est passé trop de choses, qu'est-ce qui est vraiment important ou pas ? Si un projet de naissance a été réfléchi, discuté, co-construit par les parents, les moments clés sont bien identifiés. Le père sait que le prochain step à surveiller, c'est « ne pas laisser découper ma compagne ». Il est dans son bon droit, sûr de lui, il connaît les dégâts occasionnés par l'épisio et son inutilité, et puis le projet de naissance a été validé par le staff, il est confiant, rien ne peut arriver. Alors si, par malheur, dans un moment d'égarement, quelqu'un vient à sortir des ciseaux pour couper (une petite épisio de rien du tout), ça connecte direct : « ma compagne a refusé d'épisio prophylactique dans son projet de naissance, est-ce que vous êtes en train de vous préparer à couper ? Est-ce que c'est nécessaire ? » ou, selon le degrés de stress et d'urgence « NON, ne coupez pas !!! », « qu'est-ce que vous foutez avec ces p*** de ciseaux ??? », ou autre. Et si, en plus du projet de naissance, cerise sur le gâteau, vous avez une doula, elle interpellera discrètement le père pour lui glisser « attention, ciseaux ! » (oui, parce que la doula n'est pas la bonne personne pour demander quoi que ce soit à l'équipe médicale, mais ça c'est un autre sujet). Bref, le projet de naissance ne remplace pas la vigilance du compagnon, mais il peut aider grandement, soit parce que l'équipe, avertie des demandes des parents, sera plus disposée à les respecter, soit parce qu'il donne une légitimité aux parents à s'opposer à certains actes ou à en exiger d'autres. Faire un projet de naissance, c'est assurer ses arrières. Et ça n'empêche pas le nécessaire lâcher-prise, au contraire.


Pour résumer, un projet de naissance, c'est une réflexion personnelle / de couple, une occasion de mesurer si la maternité choisie correspond aux attentes et besoins des parents, et un appui précieux pour permettre aux parents de faire respecter leurs choix au moment de la naissance. Alors pourquoi s'en priver ?


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