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#Monpostpartum : cicatrice et ESPT

Mon post-partum commence sur la table d'accouchement, alors que j'émerge à peine de cette autre dimension remplie de peur douleur souffrance.

Au départ, quand j'ai vu les témoignages #Monpostpartum se multiplier sur les réseaux sociaux, je me suis dit « tu savais que tu allais beaucoup saigner, tu savais que tu n'allais pas dormir, tu n'as pas vécu de difficulté maternelle, qu'as-tu à dire sur ce sujet ? ». Et pourtant...

Ma fille est sur mon ventre, enfin, et elle est vivante. La gynéco de garde, arrivée en urgence après la naissance extraction aux spatules – elle faisait les boutiques – me recoud et ça fait mal. Moins mal que le juste avant, mais je m'en passerais bien. Combien de points ? Je n'ose pas demander. Elle est guillerette, elle, elle a loupé la boucherie, et fanfaronne à la sage-femme auprès d'elle « je lui ai fait de la chirurgie esthétique ! » On ne parle pas, comme ça, à la troisième personne, au-dessus de la tête d'un enfant ou entre les cuisses d'une femme à poil, ça se fait pas, ça m'énerve. Je comprendrai plus tard à quel point le geste était plus irrespectueux encore que les mots...

Ma fille est sur mon ventre, elle trouve le sein facilement, c'est comme dans les livres, je l'aime et je sais qu'elle m'aime. Que demander de plus ?

Un périnée intact, bien sûr. En plus du coccyx déplacé par la force de ma poussée devant la peur pour la vie de ma fille, je récolte une « belle » épisiotomie. Je dois rouler sur le côté pour me relever de mon lit, j'ai mal quand je m'assois, quand je marche, quand je respire. Mon ostéo me remet rapidement le coccyx en place, mais la couture de l'épisio reste handicapante au quotidien. Cicatrice moche, douloureuse, indurée, on me rétorque que « je m'en suis mal occupée » : je m'occupe déjà de ma fille H24, excusez-moi du peu ! L'allaitement, le manque de sommeil, les couches qui débordent jusqu'au cou, j'avais signé pour ça ; la mutilation sexuelle, non ! Je découvrirai au bout de plusieurs mois qu'il y a un point de trop. Et il porte un nom, ce point : c'est celui « du mari ». On me dira « ça peut arriver... » et puis « on arrangera ça à la prochaine épisio ». WTF ? J'aurais pu croire à l'erreur d'appréciation sans la douce allusion à la « chirurgie esthétique »... Il me faudra des années pour me réapproprier cette zone maltraitée. Comment de temps au juste aura duré ce post-partum ?

Ma grand-mère avait dit à ses filles « L'accouchement, c'est dur, mais dès qu'on a le bébé sur le ventre, on oublie tout ». Mais moi, je n'oublie pas.

Je n'oublie pas les 12h de contractions à hurler et à me croire dingue parce que la maternité m'a renvoyée chez moi et me tourne en ridicule au téléphone à chaque fois que je les appelle pour savoir si peut-être ça vaudrait le coup d'y retourner. Je n'oublie pas leur panique quand je finis par me pointer quand même et qu'ils voient sur ma tronche que, non, je ne suis pas en train de simuler. Je n'oublie pas leurs cris « rythme cardiaque très mauvais », «risque de mort fœtale », « urgence vitale ». Je n'oublie pas la peur de ressortir de là sans bébé ; je n'oublie pas les 15 personnes qui parlent crient stressent autour de moi ; je n'oublie pas les spatules qui s'enfoncent dans mon ventre et me lacèrent de l'intérieur. Je savais pas qu'on pouvait avoir aussi mal sans en crever, à côté, les contractions dans les reins étaient une balade de santé.

Bref, je n'oublie pas. La scène tourne en boucle dans ma tête, par flashes. D'abord plusieurs fois par jour, pendant plusieurs mois. Quand le film mental s'enclenche, toute fuite est impossible, il faut aller jusqu'au bout, repasser par toutes les sensations, les unes après les autres, la peur, la douleur, le ventre broyé par le métal. A la reprise du boulot quelques mois plus tard, parfois je mets mon cerveau en pause : mode flashback on. Je ne peux pas lutter, c'est presque une drogue. Bien sûr, je me crois folle, ou au moins maso. Bien sûr, je n'en parle plus : à qui, pourquoi ? Je suis censée passer à autre chose. Ça durera 2-3 ans. J'apprendrai durant ma formation de doula que j'ai été en état de stress post-traumatique (ESPT). État souvent constaté chez les militaires au retour du front, et, de façon moins médiatisé, chez certaines femmes victimes de violences obstétricales, quand le cocktail souffrance physique / peur de la mort est si intense qu'il nous pousse à sécréter des endorphines en masse. Le cerveau, hypnotisé par l'expérience, cherchera à revivre les sensations inlassablement pour retrouver le shoot hormonal (équivalent, d'après la littérature, à 8mg de morphine). Pas de masochisme, donc, juste une des réactions physiologiques possibles. Parmi les autres symptômes possibles de l'ESPT, on retrouve l'insomnie, la dépression, et bien sûr la difficulté de création du lien mère-enfant, symptômes auxquels j'ai eu la chance d'échapper. Si vous vous reconnaissez dans ce tableau : vous n'êtes pas folle... Et si, dans votre entourage, une jeune maman ressasse et ressasse son accouchement, répète mille fois la peur, et la souffrance, et la lumière, et la ventouse ou la césarienne à vif... Ne lui dites pas de changer de disque : elle ne peut pas. Des thérapies brèves comme l'EMDR peuvent notamment être d'une grande aide pour sortir de l'ESPT. Je viens également de découvrir l'existence de la thérapie psycho-sensorielle qui semble très efficace (le nombre de personnes formées en France est pour le moment très faible). Enfin, l'écoute de vos ressentis par une professionnelle sensibilisée à ce sujet peut aussi vous aider dans ce moment délicat : il n'est jamais trop tard pour faire appel à une doula !

Si j'ai autant hésité à participer à ce mouvement autour de #Monpostpartum, c'est que je me suis dit que mon expérience n'était pas assez représentative du vécu des femmes. Et c'est finalement pour cette même raison que j'ai choisi de participer : pour toutes les femmes, même peu nombreuses, en situation d'ESPT après leur accouchement. Vous n'êtes pas folles.

Parlez-en, parlons-en !

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