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Faut-il payer sa doula?

Voilà une question qui m’amuse énormément (mouais, bon).


Elle arrive souvent au moment où l’interlocuteur (réel ou virtuel) a pu cerner le travail de la doula et comprendre qu’elle ne piétinait les plate-bandes de personne, qu’elle proposait quelque chose d’utile, de pertinent, de millénaire… de parfois même indispensable.


“Ah oui, mais du coup… Est-ce bien normal de vous faire payer?”


Une minute, j’avale ma salive et je rassemble ma bienveillance.


Commençons par l’argument béton débordant de belles intentions : “la formation est très chère, c’est normal qu’elles se fassent rémunérer pour arriver à rentrer dans leurs frais”. Bah ouais. C’est bien connu qu’on paie les gens pour qu’ils récupèrent enfin l’argent investi dans leurs études. Genre le kiné qui a payé une blinde son année de prépa privée, ça justifie largement sa rémunération ! Par contre, le menuisier, apprenti à partir de 16 ans, qui a carrément touché de l’argent pendant son CAP (et en vivant souvent chez ses parents, l’occasion de mettre un peu d’argent de côté… le petit veinard!), il n’abuserait pas un peu en demandant à être rémunéré? Le défrayer pour son trajet et le matériel acheté, je comprends bien, mais la main d’œuvre…? Bref, j’adore cet argument qui dessert complètement la cause en renvoyant de façon délicate et à peine subliminale à l’image de la maman un peu désœuvrée, passionnée de périnatalité, qui a fait une formation hors de prix histoire de s’occuper, et qui doit ensuite, en toute logique, refaire entrer un peu d’argent dans le ménage pour équilibrer les comptes. Grrr. Non, mais si vous avez déjà utilisé cet argument, pardon, je voulais pas vous froisser (par contre, vous m’expliquerez?...).


Mais alors, si ce n’est pas parce que la formation est payante, y a-t-il de vraies bonnes raisons de payer sa doula?


Genre ses compétences? Bof, si la doula ne propose pas de suivi “médical” ou “thérapeutique”, c’est probablement parce qu’elle a moins de compétences qu’un professionnel de santé ou un thérapeute. Tout le monde s’accordera pour dire que si le charcutier ne sait pas faire de pain, c’est bien parce qu’il est moins bon que le boulanger qui, lui, maîtrise ça à la perfection. Comment ça, son domaine d’action est différent? Vous voulez dire que son truc à lui, ce serait de faire du pâté et des saucisses? Et pour la doula, ne me dites pas que l’écoute active, c’est une compétence!? Ne me dites pas que l’empathie, la vraie, celle qui permet d’être là, comme un pilier, soutien inconditionnel, dans les moments les plus difficiles, proche comme une sœur tout en restant distincte comme une pro, ça s’apprend et ça se travaille? La doula aurait des compétences… Hum.


Ses connaissances? Bon, ça, il faut le dire vite. La doula ne s’y connaît pas en pathologies, elle ne pose pas de diagnostics, elle ne sait pas toujours ce que signifie tel résultat pour telle analyse... On dirait qu’elle ne connait pas grand-chose, du coup... Seulement la physiologie de la femme, ses besoins. Le démarrage de l’allaitement, et la suite aussi. Les émotions qui peuvent être traversées pendant la grossesse, l’accouchement, l’après. Le lieu de vie de la famille qu’elle accompagne, le fonctionnement du couple et les attentes de chacun, les prénoms des aînés, les rêves de la maman. Bref, elle n’y connait rien en pathologies. Comment ça, tant mieux? Parce que son travail c’est l’humain? Han, il fallait le dire...


Et sa présence? Bon, ça va, sa “présence”... “Un savoir-être plutôt qu’un savoir-faire”... C’est pas un peu facile, tout ça? Passer 2h à écouter, rassurer, boire du thé, donner un coup de main pour la vaisselle, écouter encore, informer… Prendre un temps pour les aînés, même (surtout) s’ils sont bruyants, remuants, fatigants, et qu’ils ont besoin de déchargeeeeeerrrrr leur angoisse existentielle du biscuit cassé par des hurlements stridents… Un temps pour le papa, pour une fois qu’on ne l’oublie pas à côté de la plante verte ou qu’on ne le prend pas juste pour “le gars qui a amené la valise”... Un temps pour parler libido, ventre qui gratte, orteils trop loin du coupe-ongles, frigo trop loin du canapé, sol trop bas trop plein de jouets... Et peur, et douleur, et si j’y arrivais pas?... Le rendez-vous fini, faire des recherches en parallèle des parents pour les aider à trouver au plus vite l’info dont ils ont besoin… Rester joignable par téléphone et sms en cas de doute, crise de larme, crise de couple, catastrophe naturelle, coquillettes trop cuites… Et je ne parle pas du moment de l’accouchement… C’est une personne qui est présente, quoi, juste. Mais présente sans demi-mesure.


On est d’accord que tout ça, ça doit bien valoir quelque chose… Mais quand même, un vrai salaire…?


Attendez, il y a encore le contre-argument fatal : des femmes proposent tout cela bénévolement. Et oui, il y en a peu, mais il y en a. Certaines expliquent qu’elles ont fait ce choix parce qu’elles sentent qu’elles font quelque chose d’essentiel, de fondamentalement utile, qui devrait être offert à toute femme. Respect total. “Mais alors, comment vont-elles rembourser leur formation ?” (toi, au fond, tu sors) On pourrait se demander par contre si elles ont bien suivi une formation!? Si elles ont bien les compétences, les connaissances, la qualité de présence qu’amène une doula qui prétend à une rémunération? Mais la question n’est pas là. Même pas. J’ai envie de dire peu importe. Pour moi, la question est : est-ce que, parce que je fais du bénévolat à la bibliothèque de Coucouron une fois par mois, la bibliothécaire perd toute légitimité à percevoir son salaire (qui doit sûrement être tout aussi mirobolant que celui d’une doula)? Accompagnée d’une question subsidiaire : si la doula est “trop indispensable” pour que ses services soient inaccessibles à certain.e.s, ne serait-ce pas judicieux d’étendre le principe du bénévolat à tous les métiers jugés indispensables (donc doulas, garagiste, infirmière, taxi, pâtissier, plaquiste… liste non-exhaustive)?


A chacun de répondre selon sa sensibilité. Perso, un monde basé sur la gratuité, je suis pour, mais on ne va pas parler politique ici.


Par contre, puisque vous êtes là, j’en profite pour passer une petite annonce! Donc je fais partie de ces doulas qui souhaitent se faire payer en échange de leur travail (ouh!!!). Depuis que j’ai commencé on me dit que c’est cher, que c’est élitiste, que peu de personnes peuvent se l’offrir. Après j’ai été informée du prix des Iphone et j’ai mal vécu d’être moins cotée qu’un produit à obsolescence programmé fabriqué en Chine par des gosses (d’ailleurs, depuis j’hésite à me faire tatouer une pomme pour la valeur ajoutée, des avis là-dessus?). Bref, depuis que j’ai commencé, et qu’on me dit que c’est cher, je réponds à qui veut l’entendre que j’accepte le TROC. Non, non, je vous vois venir, pas le troc d’enfants, je commence à être bien habituée aux miennes, et les relations de ce type gagnent à être durables. Non, du troc normal et légal, genre un échange de services si vous savez faire un truc, un panier de légumes (bio, hein) si vous êtes maraîcher, du fromage de chèvre si vous êtes chevrier, de la bière si vous êtes brasseur, du rhum… ah, c’est compliqué, le rhum, des entrées à Disneyland si vous travaillez à Disneyland (non, là, je rigole! quand même!!!). Bref, mon trip, c’est pas d’ouvrir un Livret A. C’est juste de me dire en revenant de chez la famille que j’accompagne que la relation est juste. Et je pense que demander de l’argent (ou des légumes, donc) pour son travail ne fait de la doula une personne vénale. Alors, merci de diffuser aussi largement que possible cette idée et cette annonce!

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